Réparer l’attachement : une question de perspective ?

Ce matin, une collègue thérapeute m’a interpellée avec une question clinico-théorique : en tant que cliniciens informés sur l’attachement, réparons-nous réellement l’attachement ? 

Cette question mérite réflexion. En effet, le terme « réparation de l’attachement » est de plus en plus utilisé dans les formations, les conférences, les titres de livres et d’articles. J’ai moi-même participé à une conférence sur le sujet à Namur le 23 mai, intitulée « Réparer l’attachement ». Mais prenons un moment pour réfléchir : réparons-nous vraiment l’attachement lors de nos interventions cliniques informées sur l’attachement ?

Les mots ont un sens. Si nous parlons de « réparation de l’attachement », cela implique que l’attachement a été, à un moment donné, brisé ou détruit. Mais qu’est-ce que l’attachement ? Selon Bowlby, Ainsworth ou même Crittenden, l’attachement est un système motivationnel génétiquement programmé, modifié épigénétiquement, qui vise à promouvoir la survie de l’individu, en particulier pendant les premières années de la vie. Il se manifeste dans une relation unique et spécifique d’un individu à un autre. 

Alors, réparer l’attachement signifierait que ce système biologique, codé génétiquement et modifiable par l’environnement, est cassé. Peut-on vraiment briser un système biologique qui promeut la survie et s’adapte au contexte ? J’en doute.

Mon point de vue, sur lequel je suis ouverte à la discussion, est que l’attachement n’est jamais brisé. Dans la lignée de la conception de Patricia Crittenden et du DMM, l’attachement et la manière dont il s’organise et s’exprime comportementalement est toujours une ressource. C’est toujours une solution qui promeut la survie dans des environnements plus ou moins adverses.

L’attachement insécure/désorganisé est souvent considéré comme dysfonctionnel. Patricia Crittenden rejette cette idée. L’attachement insécure est la meilleure solution dans l’environnement de l’individu qui est confronté à des figures d’attachement plus ou moins disponibles, plus ou moins dangereuses. C’est une adaptation, une ressource qui vient avec un coût, mais qui permet de fonctionner et de survivre. De ce point de vue, l’attachement insécure est presque plus fonctionnel que l’attachement sécure car il permet la survie dans des environnements relationnels plus difficiles.

Alors, pouvons-nous vraiment dire que l’attachement est « cassé, endommagé, dysfonctionnel » et en conséquence, le réparons-nous ? Je ne le pense pas. Je crois que ce que nous faisons lors de nos interventions informées sur l’attachement, c’est que nous réparons la relation, nous réparons la synchronie dyadique, ce qui a pour conséquence que la stratégie d’attachement change et s’adapte à un nouvel environnement moins stressant, moins toxique.

Il est essentiel de différencier le travail avec les enfants/ados qui vivent encore avec leur famille, le travail avec les enfants/ados qui ne vivent plus avec leur famille, et le travail avec les adultes. 

À mon avis, chaque fois que les deux parties d’une relation d’attachement significative peuvent venir en consultation et faire l’objet d’une prise en charge, nous réparons la relation. C’est le focus de l’intervention, réparer les ruptures. Mais ce n’est pas l’attachement que nous réparons au sens du système biologique motivationnel. Nous réparons seulement le contexte dans lequel ce système s’exprime, ce qui va modifier son expression. C’est pareil, il me semble, chez l’adulte quand on travaille en thérapie de couple par exemple.

En revanche, quand aucune réparation n’est possible, comme c’est le cas quand les parents ne sont pas mobilisables ou qu’il n’y a plus de parents, comment réparer l’attachement ? Nous ne le réparons pas car il n’est pas cassé, nous proposons de nouvelles relations dans lesquelles une autre forme d’expression de ce système motivationnel va se manifester. Dans ces cas-là, nous accompagnons plutôt un processus de guérison, celui de guérir d’une perte, d’une relation qui ne changera pas, et nous le faisons pour que le passé ne vienne pas envahir le présent.

Alors pourquoi insister sur ce sujet et pourquoi ma collègue a-t-elle eu raison de poser cette question ? Parce que notre terminologie, notre vocabulaire, organise nos représentations, elle organise aussi ce que nous disons aux parents, aux enfants. Et parler de « réparer l’attachement », au lieu de « réparer la relation », c’est poser le problème de la mauvaise façon. L’attachement d’un enfant n’est jamais cassé, mais la relation qui organise son expression, oui. Le travail clinique informé sur l’attachement est un travail où notre sujet est la relation qui unit deux sujets et non pas le sujet lui-même. 

Choisir ses termes avec soin, c’est aussi se positionner résolument dans une approche centrée sur les ressources et la résolution de problèmes, sur l’espoir, et se dégager d’une vision psychopathologique de toute forme d’attachement qui ne serait pas « sécurisée ». Enfin, c’est garantir que nous parlons un langage entre nous et avec les familles qui soit organisateur de la pensée et créateur de consensus et de représentations communes qui nous permettent de penser ensemble et d’être en lien.

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