Il y a quelque temps, j’ai recommencé le dessin. Il y a quelque temps, j’ai reproduit cette scène dont j’ai été témoin pour ne jamais l’oublier.

Nous étions en été, mon fils et moi, en ville en train d’attendre un bus. Il faisait chaud. Je suis une observatrice compulsive, comme toujours pour m’occuper, je me suis mise à regarder autour de moi à l’arrêt de bus, les gens dans la rue.

Il y avait cette famille qui est arrivée pour un peu après nous. Une maman, un papa, et une petite fille qui devait avoir 6 ans peut-être.

Je ne sais pas ce qui se passait entre eux, je n’ai pas entendu leur conversation, mais ce que j’ai vu c’est un papa qui a pris dans les bras sa femme/épouse/compagne en tout cas la maman. Un contact physique contenant, réconfortant, porteur d’affection, sincère. Il n’y avait pas de doute tant j’ai pu apercevoir les épaules de cette maman se détendent, le sourire revenir sur son visage. J’en ai eu les larmes aux yeux. J’en ai eu d’autant plus les larmes aux yeux que cette maman était toute échevelée, « bien portante », pas belle a proprement parlé, mais rendu belle par l’amour et la tendresse dont elle faisait l’objet.

J’ai aussi vu la petite fille qui demandait très discrètement de l’attention, elle n’a pas insisté, elle a attendu. Sa maman n’était pas disponible et c’était OK, car la petite fille n’était pas en détresse. Je me suis interrogée : qu’a-t-elle appris dans ce moment, elle, du haut de ses 6 ans, sur les relations de couple ? Que pensez-vous qu’elle a appris ?

Moi, je pense qu’elle a appris que pour une femme, c’est OK de recevoir du réconfort, et c’est OK pour un homme de le donner. Elle a appris qu’il n’y a pas besoin d’être un top model tiré à quatre épingles pour être aimé, qu’être soi, cela suffit. Elle a appris que le contact physique avec un homme n’est pas dangereux et même, fait du bien. Elle a appris que montrer son affection ou son besoin d’affection n’est pas un signe de vulnérabilité, mais que ça permet d’être plus forts ensemble. Elle a appris que les personnes de mon entourage qui comptent sont plus importantes que ce que pensent les gens qui nous regardent. Et je me suis dit: quel merveilleux apprentissage ! Si cet expérience est récurrente, si c’est un « pattern  comportemental » comme on dit dans notre jargon scientifique, alors on peut prédire que cette petite fille saura intimement qu’elle est précieuse, qu’elle peut croire en sa valeur. Elle sera confiante d’être une femme. Elle aura des facilités à reconnaître et accepter dans sa vie un homme bon pour elle ou à se séparer de celui qui la ferait souffrir. Elle saura demander et recevoir de l’aide, en donner aussi. Elle saura  accepter et transmettre l’affection et le réconfort à toutes les personnes qui lui sont chères :  ses enfants, son conjoint, ses parents vieillissants et ceci indépendamment de ce que les gens pensent, mais bien en fonction des besoins de la personne en interaction avec elle.

Ce dont sont témoins nos enfants, la façon dont nous interagissons entre nous adultes, conjoints, parents, la façon dont nous nous soutenons, dont nous nous réconfortons les uns les autres, dont nous nous entraidons, est aussi à la base de la construction psychique des enfants, de l’individu qu’ils deviendront. Ce qui signifie que prendre soin de nous en tant qu’être humain, prendre soin les uns des autres, c’est prendre soin de nos enfants également, leur montrer le chemin vers la santé mentale et physique.