Ce matin, une collègue thérapeute m’a interpellée avec une question à la fois clinique et théorique : en tant que cliniciens informés sur l’attachement, réparons-nous réellement l’attachement ?

Cette interrogation mérite une réflexion approfondie. Le terme « réparation de l’attachement » est aujourd’hui omniprésent dans les formations, les conférences, et les publications. Pourtant, il soulève des questions fondamentales sur ce que nous faisons réellement en tant que professionnels travaillant dans ce champ.

Qu’est-ce que cela signifie, « réparer l’attachement » ?

Les mots ont du poids. Parler de « réparer l’attachement » implique que l’attachement a été, à un moment donné, casséou détruit. Mais qu’est-ce que l’attachement, au juste ? Selon Bowlby, Ainsworth et, plus récemment, Crittenden, l’attachement est un système biologique motivationnel, inscrit dans notre patrimoine génétique, qui vise à assurer la survie en garantissant proximité et protection face au danger. Ce système est modulable, influencé par l’environnement, mais il n’est pas « cassable ».

Ainsi, affirmer que nous « réparons » l’attachement serait simpliste. L’attachement n’est jamais détruit. Il s’adapte. Même dans des contextes adverses ou traumatiques, il reste une ressource, bien qu’il puisse s’exprimer de manière coûteuse ou difficile.

Une adaptation, pas une défaillance

Dans la lignée des travaux de Patricia Crittenden et du modèle dynamique-maturationnel de l’attachement (DMM), l’attachement insécure ou désorganisé n’est pas un échec. C’est une stratégie d’adaptation développée par l’individu en réponse à des figures d’attachement plus ou moins disponibles, voire dangereuses.

Plutôt que de considérer ces stratégies comme « dysfonctionnelles », il est plus juste de les voir comme des solutions adaptées à un environnement relationnel complexe ou menaçant. Ces stratégies permettent la survie, même si elles s’accompagnent de coûts développementaux. En ce sens, elles remplissent leur fonction.

Alors, que réparons-nous réellement ?

Ce que nous « réparons » lors de nos interventions cliniques n’est pas le système d’attachement en soi, mais la relation qui soutient et organise son expression. C’est la synchronie dyadique, les ruptures relationnelles, et les contextes qui influencent l’expression comportementale du système d’attachement que nous cherchons à transformer.

Prenons quelques exemples :

  1. Dans une famille où la relation parent-enfant peut être restaurée, nous travaillons à réparer cette relation. Ce processus peut modifier les stratégies d’attachement du bébé ou de l’enfant en fonction du nouvel environnement plus sécurisant.
  2. Pour les enfants qui ne vivent plus avec leurs parents, nous ne réparons pas l’attachement lui-même. Nous aidons l’enfant à se reconstruire dans des relations alternatives, tout en l’accompagnant dans un processus de guérison des pertes et des traumas.
  3. Chez les adultes, notamment en thérapie de couple, nous travaillons à restaurer la qualité des relations qui influencent l’expression des stratégies d’attachement dans le présent.

Une question de terminologie : des mots qui façonnent nos pratiques

La distinction entre « réparer l’attachement » et « réparer la relation » est plus qu’un détail sémantique. Nos mots influencent nos représentations et la manière dont nous abordons notre travail clinique. Ils affectent aussi ce que nous communiquons aux familles avec lesquelles nous travaillons.

En parlant de « réparer l’attachement », nous risquons de renforcer une vision déficitaire, pathologisante, des formes d’attachement insécure. À l’inverse, parler de « réparer la relation » nous ancre dans une perspective basée sur les ressources, l’adaptation et l’espoir. Cela repositionne notre intervention non pas sur un « échec » de l’enfant ou du parent, mais sur un espace relationnel à reconstruire.

Changer notre perspective : une clinique centrée sur la relation

Le travail clinique informé par la théorie de l’attachement ne concerne pas l’individu seul, mais la relation qui unit deux sujets. C’est dans cette relation que l’attachement s’exprime, s’adapte et peut être influencé.

En intervenant sur les ruptures relationnelles, nous créons les conditions pour que l’attachement s’exprime différemment, de manière plus sécurisante et moins coûteuse. Mais l’attachement lui-même n’a jamais cessé de remplir sa fonction première : assurer la survie.

Pourquoi cela compte ?

Choisir nos termes avec soin est un acte clinique en soi. Cela garantit que nous travaillons dans un cadre :

  • Basé sur les ressources : Reconnaître que même les stratégies coûteuses sont des solutions adaptatives.
  • Respectueux et porteur d’espoir : Offrir une vision d’avenir constructive aux familles et aux patients.
  • Organisateur de consensus : Adopter un langage commun qui soutient les professionnels dans leur réflexion et leur pratique.

Allons plus loin ensemble

Ces réflexions montrent à quel point les mots que nous utilisons façonnent notre perception de l’attachement et notre manière d’intervenir. Si vous souhaitez approfondir votre compréhension de ces concepts ou affiner votre pratique clinique, je vous invite à rejoindre nos formations et supervisions. Ensemble, nous pouvons construire une clinique centrée sur la relation, porteuse de changement et d’espoir.

→ Contactez-nous dès aujourd’hui pour en savoir plus.