La recherche a montré que plus l’intervention est précoce, plus elle est efficace et économique pour la société.
Promouvoir le développement social et émotionnel du bébé entre les âges de 0 et 3 ans et comprendre les conditions du meilleur développement possible est donc essentiel.
La santé mentale du bébé est la discipline qui se préoccupe de ces questions. Sur ces sujets, prévention et intervention ne sont pas dissociables l’une de l’autre.
Le concept de retrait relationnel du bébé, sa détection et son évaluation à l’aide de l’Échelle Alarme Détresse Bébé (ADBB) s’avèrent particulièrement intéressantes pour ce champ. Voici pourquoi :
Qu’est-ce que le retrait relationnel ?
Le comportement de retrait relationnel est un élément important du répertoire défensif du bébé.
Le bébé ne possède que deux réponses possibles en cas de stress : les pleurs et le retrait relationnel.
Alors que les pleurs sont faciles à repérer, le retrait relationnel peut lui, facilement ne pas être remarqué. Il peut être mal compris, banalisé, normalisé, dénié.
Le retrait relationnel normal :
Si l’on analyse les interactions adulte-bébé d’un point de vue micro analytique, le retrait relationnel transitoire est un mécanisme essentiel et normal pour réguler les interactions dans la petite enfance. (0-24 mois)
Ce mécanisme est très bien mis en évidence dans l’expérience du visage immobile d’Ed Tronick.
En effet, confronté à des stimuli et des interactions inhabituelles, inadéquates ou désagréables, ici un visage inexpressif venant de la maman, le bébé montre son inconfort, sa détresse en modulant son engagement relationnel.
Il va éviter le contact visuel, ne pas sourire, froncer les sourcils, détourner son attention des gens avec qui il est en relation et manifester certaines activités d’autorégulation et d’apaisement pour signifier son inconfort.
Le retrait relationnel pathologique, car durable, chronique
Sur un plan plus clinique, le retrait relationnel prolongé est plus préoccupant.
C’est celui qui a été mis en évidence, dans son expression extrême, par René Spitz. Le retrait relationnel est au coeur de sa description de la dépression anaclitique et de l’hospitalisme. (Attention la vidéo est assez difficile à regarder)
Dans le développement du tableau de dépression anaclitique chez un bébé , le retrait relationnel vient EN AMONT de symptômes plus graves comme l’atteinte du quotient de développement.
Evolution des réactions et symptômes du bébé dans le developpement de la dépression anaclitique.
Retrait relationnel et risque de psychopathologie précoce :
impact sur les interactions:
Le retrait relationnel prolongé ou chronique, lorsqu’il est présent chez le bébé, se manifeste en permanence dans l’interaction avec le bébé.
Il faut, pour l’adulte qui s’engage avec ces bébés, travailler plus fort pour entrer en relation. Un bébé en retrait nous demande d’ augmenter le niveau de nos stimulations (regard, voix, activité) pour l’engager dans la relation. Tous se passe comme si le bébé, confronté à des violations répétées de l’interaction ou à une difficulté chronique, réduit son investissement au monde, se met en veille, en attente dans une position économique, dépressive.
Quels tableaux cliniques peuvent s’accompagner de retrait relationnel ?
Le retrait relationnel prolongé/chronique peut s’observer dans le contexte de maladies somatiques, de troubles neurologiques et/ou sensoriels, de formes sévères de malnutrition, de retards de croissance non organiques et des douleurs chroniques.
Il est également fréquemment observé chez les enfants présentant une anxiété de séparation, des troubles de stress post-traumatique, des troubles dépressifs et des troubles du spectre autistique ainsi que dans le contexte de la carence de soin.
Il fait aussi partie de la réponse de l’enfant à des interactions inadéquates en relation à des problèmes de santé mentale chez les parents.
Ainsi, le retrait relationnel prolongé peut être considéré comme un trouble d’adaptation mutuelle, résultant en partie et affectant toujours la qualité de l’interaction enfant-parent.
Au fil du temps, il est fortement corrélé avec l’attachement désorganisé ( voir l’article ici) et a été identifié en lien avec le développement trouble de l’attachement. (Voir les références scientifiques ici)
Un signal d’Alarme:
Le retrait relationnel se comprend donc comme un marqueur d’un trouble de l’interaction entre le bébé et son environnement relationnel quelque soit l’origine (organique ou non) de cette difficulté.
Il est, d’une part, une stratégie d’adaptation pour le bébé dans des environnements relationnels à risques.
La protestation bruyante et prolongée est, en effet, trop couteuse biologiquement et possiblement risquée.
Si cette stratégie devient le mode de fonctionnement par défaut du bébé en relation au monde, elle s’accompagne alors d’un coût pour le développement.
La recherche a ainsi montré des liens entre le niveau de retrait relationnel chez un bébé et un risque pour son développement à moyen ou long terme. (Voir les références scientifiques ici)
D’autre part, le retrait relationnel est aussi un marqueur précoce de moindres ressources d’adaptations lorsque le bébé présente des troubles organiques comme par exemple pour les bébés prématurés.
Ce n’est donc pas un diagnostic.
Le retrait relationnel chronique est un signal d’alarme.
Il accompagne d’autres difficultés que rencontre le bébé que celles-ci soient d’origine organiques (trouble de la vision, de l’audition, syndrome génétique), relationnelles (psychopathologie parentale), ou mixtes.
C’est comme un détecteur de fumée. Il permet d’avoir connaissance d’un début d’incendie et d’agir AVANT que les conséquences ne deviennent trop importantes.
L’utilité de détecter le retrait relationnel
Le retrait relationnel est donc un bon indicateur à utiliser pour la prévention précoce. Le premier signe indiquant que quelque chose dépasse les capacités d’adaptation du bébé.
Le repérer au moment où il se développe avant qu’il ne soit évident, et accompagné de symptômes sévères, va permettre d’intervenir tôt, avant que de troubles plus significatifs du développement ne se mettent en place.
Apprendre à repérer le retrait relationnel est donc essentiel pour les professionnels qui travaillent auprès des bébés et de leur famille.
Quel outil validé pour détecter le retrait relationnel ?
Pr.Antoine Guedeney, Auteur de l’Echelle Alarme Détresse Bébé recevant le Pris rRené Spitz à la Conférence Internationale de Santé Mental du Bébé à Rome en juin 2018
L’Échelle Alarme Détresse Bébé ( ADBB) développée par le Pr. Antoine Guedeney est une grille en 8 items descriptifs validée par 15 ans de recherche.
C’est une aide à l’observation qui permet d’apprendre à détecter et évaluer rapidement le retrait relationnel (quelques minutes).
L’utilisation de l’Échelle ADBB nécessite un apprentissage du fait de la subtilité du comportement de retrait relationnel.
¨our les pédiatres et les puéricultrices, elle permet d’augmenter le consensus entre les professionnels, de repérer mieux et plus précocement, les bébés qui vont avoir besoin d’une évaluation plus poussée et d’une aide.
Elle permet aussi aux professionnels de se sentir plus confiants dans leur capacité à détecter plus rapidement les bébés en difficulté et de les orienter correctement. (Voir les références scientifiques ici)
Pour les psychologues, pédopsychiatres, intervenant en périnatalité ou en protection de l’enfance, savoir repérer le retrait relationnel permet aussi de suivre l’évolution du bébé sous intervention et de s’assurer que le développement reprend son cours normal, que l’intervention est efficace.
La formation:
La formation en présentiel, en intra-institutionnel ou dans nos locaux, durent 4 jours et se constitue principalement d’un entrainement intensif au repérage et à l’évaluation du retrait relationnel au travers de documents vidéos. Il est aussi possible de se former en ligne.
Pour en savoir plus, vous pouvez consulter le site de l’Échelle Alarme Détresse Bébé ou la page de la formation : ici
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