5 étapes primordiales pour monter en compétences, basées sur mon propre cheminement, mes erreurs, pour devenir expert des interventions cliniques attachement informées.

Introduction

La théorie de l’attachement suscite un intérêt croissant. Les offres de formation se multiplient — avec des niveaux de qualité très variables.

Alors, comment s’y retrouver ?

Comment, lorsqu’on souhaite intégrer la théorie de l’attachement dans sa pratique clinique, concevoir un parcours de montée en compétence qui permette d’acquérir des savoirs et des savoir-faire solides, sans se perdre dans une accumulation désordonnée ?

Cela fait plus de vingt ans que je travaille avec la théorie de l’attachement. Au fil du temps, j’ai suivi de nombreuses formations :

  • des formations théoriques,
  • des spécialisations cliniques,
  • des approches centrées sur l’évaluation,
  • d’autres sur l’intervention.

Dans cet article, je vous propose une réflexion nourrie par cette expérience. Non pas une méthode unique, ni un raccourci séduisant, mais un repère pour tracer votre propre chemin — avec exigence, clarté, et cohérence clinique.
avec exigence, clarté, et cohérence clinique.

1. Commencer par l’observation des interactions précoces

Je crois que je commencerais par une formation approfondie à l’observation des interactions précoces, et donc probablement par l’ADBB, le CARE-Index ou le CIB.

Moi, dans la réalité, j’ai commencé par des lectures, des ateliers « pseudo-attachement/parentalité », des formations de première intention soi-disant sur l’attachement qui, je le comprends aujourd’hui avec le recul, m’ont fait perdre mon temps et mon argent.

Puis, en 2009, j’ai fait le DU d’attachement. Riche, mais très théorique. J’en suis ressortie, je crois, la tête bien pleine mais sans compétences réelles.

Donc, si je devais refaire le parcours, je commencerais par me former à l’observation du bébé — et surtout à l’observation du tout-petit en relation.

Pourquoi ?

Parce que j’estime aujourd’hui qu’une connaissance intégrée de la théorie de l’attachement ne peut vraiment s’acquérir que lorsqu’on comprend en profondeur l’expérience de survie, l’expérience relationnelle du tout-petit, ce que cela implique pour sa construction psychique, et comment il nous le montre.

Ce n’est que par l’observation du bébé que l’on comprend ce qui est appris, intégré, mis en place comme comportements défensifs et protecteurs quand les parents ne sont pas disponibles, rejettent ou sont dangereux.

Ce n’est, il me semble, que par cette connaissance de l’observation comme méthode — même imparfaite — que j’ai pu assimiler, quant à moi, la dimension concrète de l’attachement dans l’organisation neurophysiologique et psychique du bébé.

Observer des dizaines, voire des centaines d’interactions au fil des formations m’a permis de construire une représentation interne des stratégies adaptatives du bébé pour maintenir ses liens. C’est cela qui m’a permis de comprendre les styles d’attachement comme stratégies, co-construites dynamiquement, et non comme étiquettes diagnostiques.

Sans ce savoir concret, il me semble que l’on reste dans une compréhension sémantique, plaquée, des notions comme la sensibilité parentale ou la synchronie, et de ce que sont réellement les stratégies d’attachement du point de vue du bébé. Ce savoir de surface complique alors toute réflexion sur comment intervenir pour que le sujet puisse acquérir plus de sécurité d’attachement.

2. Ensuite, je me formerais aux modèles théoriques

Une fois ce socle posé, je ferais une formation plus théorique pour comprendre l’ensemble des modèles de l’attachement.
Parce que oui, il existe plusieurs modèles théoriques, et il faut pouvoir les situer, les articuler et les questionner.

Le DU d’attachement, par exemple (que j’ai fait), ou la formation que j’ai moi-même développée « Intégrer la théorie de l’attachement dans les pratiques cliniques ».

Je ferais le choix d’une formation longue pour acquérir une connaissance approfondie, réflexive de la théorie de l’attachement.
En effet, les formations modulaires, en deux, trois, cinq jours de formation — même si c’est ce qui est principalement proposé sur le marché — ne peuvent pas atteindre ces objectifs.

Cela est, il me semble, d’autant plus nécessaire que l’on travaille avec des populations vulnérables, confrontées à l’adversité et au trauma.
Une formation de première intention s’avère alors totalement insuffisante.

Je choisirais une formation qui :

 

    • présente les données développementales et neuroaffectives à jour, qui présente l’attachement à tous les âges de la vie dans une continuité,
    • intègre les neurosciences affectives et la maturation cérébrale,
    • tient compte de la culture,
    • illustre par des exercices réflexifs, d’application, des cas, des vidéos, des transcripts — et pas juste un défilement de slides PowerPoint avec des références scientifiques
    • et surtout, qui évite de réduire l’attachement à une théorie “recette de cuisine” où seule la sécurité de l’attachement a de la valeur.

Je m’assurerais que la personne formatrice :

    • est formée à l’observation,
    • connaît, a été formée, même si elle ne maîtrise pas forcément, les outils d’évaluation de l’attachement.

Hélas, nous sommes assez peu d’experts en France réellement formés de façon approfondie aux outils d’évaluation de la théorie de l’attachement et à l’observation.

Je mettrais ma main à couper que la quasi-totalité des formateurs à la théorie de l’attachement n’ont pas vu plus de quelques Situations Étranges ou lu d’Entretiens d’attachement de l’adulte.

Pourtant, ce sont ces outils qui ont permis le développement de la théorie de l’attachement.
Bien les connaître — même sans les maîtriser — signifie que l’on a vraiment intégré la théorie de l’attachement sous la forme d’un savoir concret, utilisable, pensable.
Moi, j’ai vu peut-être une centaine de Situations Étranges, et lu des dizaines d’Entretiens d’attachement de l’adulte.

    • Et enfin, qu’elle n’utilise pas la théorie comme grille simplifiée ou étiquette figée.

Qu’elle connaisse, comprenne et maîtrise la distinction entre profilpattern et stratégie d’attachement, par exemple.
Qu’elle puisse donner une définition opérationnelle de la sécurité de l’attachement, de la sensibilité parentale, et qu’elle soit capable d’articuler les autres théories du développement et de la psychologie avec la théorie de l’attachement, sans difficulté.

3. L’étape suivante serait de se former spécifiquement au psychotrauma

L’objectif serait de mieux comprendre les personnes qui ont grandi confrontées aux adversités chroniques.

Je ne le ferais pas avant, parce que sans une compréhension profonde du fonctionnement de l’attachement, je n’aurais pas eu les repères nécessaires pour saisir comment le trauma s’inscrit dans la relation, comment il se transmet entre les générations, comment il s’exprime à travers les stratégies d’attachement, et comment il peut empêcher la stratégie d’attachement de fonctionner.

En consultation, on ne reçoit en fait pas des personnes « sécures ». On reçoit ceux et celles pour qui l’insécurité de l’attachement est la norme, ils ne connaissent rien d’autre, ils n’ont pas de représentation de la sécurité. Ils se sont, en effet, développés dans des contextes souvent marqués par la maltraitance ou la négligence.

Au-delà du diagnostic de trauma développemental, il faut surtout, pour nous professionnels, intégrer, se représenter ce qu’est une expérience de vie qui implique une perception de soi, de l’autre, du monde, de la survie, du futur, de la compétence, du pouvoir — qui est étrangère et difficilement concrètement conceptualisable pour celles et ceux qui n’ont pas fait ces expériences de développement.

Nous avons donc besoin d’informations théoriques, cliniques et conceptuelles pour pouvoir nous représenter le mieux possible leur expérience du monde et des relations.

Il s’agirait de connaître, comprendre :

  • la transmission transgénérationnelle du trauma,
  • comment on survit, y compris psychiquement, y compris en souffrant quotidiennement, sans base de sécurité, sans havre de paix,
  • comment on s’adapte et survit, même avec des symptômes psychopathologiques, quand les figures d’attachement font peur,
  • et comment accueillir et faire sens de la souffrance sans réactiver leurs blessures.

4. Seulement alors, je me formerais aux outils cliniques, aux méthodes d’intervention

Il est séduisant de vouloir commencer par là, je sais parce que j’ai fait l’erreur : se former au Theraplay, à l‘EMDR, au Cercle de sécurité, à l’intervention relationnelle. Le problème, c’est que l’application de ces outils, leur utilisation, reste superficielle, difficile à implémenter sans avoir acquis les compétences des trois autres étapes que je propose.

Toutes ces techniques impliquent d’avoir une connaissance approfondie en observation, une connaissance de la théorie de l’attachement, du psychotrauma. Pourtant, si chacune fournit quelques informations théoriques (je sais, je les ai toutes faites), aucune ne forme de façon approfondie à l’observation hors de l’outil, aucune ne permet une connaissance approfondie de la théorie de l’attachement, surtout pour les populations en grande difficulté.

La raison en est logique : ce sont des formations à une technique, à un outil. Elles ne sont pas l’alpha et l’oméga de la connaissance clinique nécessaire pour prendre en charge les souffrances de l’attachement, même si leur présentation marketing va parfois dans ce sens.

Par ailleurs, je ne me formerais pas à tous les outils. Je me formerais à ceux qui :

  • facilitent la synchronisation relationnelle et la réparation des ruptures,
  • utilisent la vidéo pour soutenir la mentalisation, la réflexivité, la sensibilité et la synchronie dyadique,
  • s’appuient sur la régulation corporelle (respiration, yoga, hypnose, EMDR, massage, etc.),
  • soutiennent la reconstruction du récit, le développement de narratifs cohérents (théâtre, écriture, art…),
  • et permettent des expériences de lien sans danger, via le jeu et/ou les médiateurs animaux.

Je choisirais les outils les plus réparateurs pour les sujets insécures, pas nécessairement les plus en vogue, ni forcément promus par la recherche empirique — qui n’est pas toujours aussi empirique qu’on le pense. Je les choisirais en fonction de ce que moi, je peux mettre en œuvre, ce avec quoi je suis à l’aise, et qui a montré une efficacité pour les patients.

5. Enfin, et tout le long de ce parcours, je travaillerai à me transformer moi-même

Je travaillerais sur mes propres traumas, mes pertes non résolues, pour vivre moi-même des expériences correctrices de sécurité.

Car nous, professionnels de la santé mentale, ne choisissons pas ce métier par hasard.

Bowlby disait « suffisamment blessé mais pas suffisamment abîmé » (van Dijken, van der Veer, van IJzendoorn, & Kuipers, 1998) pour parler des thérapeutes, et Jung parlait de « guérisseurs blessés » : “Seul le guérisseur blessé guérit… et seulement dans la mesure où il s’est guéri lui-même.” (Jung, C. G., & Hull, R. F. C. (2023). Fundamental Questions of Psychotherapy 1. In Collected works of CG Jung (pp. v16_111–v16_126). Routledge.)

J’apprendrais à :

  • réguler mes états internes,
  • fonctionner en lien même sous stress,
  • communiquer sans me perdre,
  • reconnaître les ruptures relationnelles, savoir les réparer,
  • tolérer d’être inconfortable, dans le gris, de ne pas savoir, de ne pas pouvoir,
  • faire confianceme protéger autrementprendre soin de moi,
  • sortir de mes propres stratégies d’attachement.

Sans ce travail, aucune intervention clinique attachement infomée ne fonctionne réellement.

Ce que la théorie de l’attachement m’a appris, c’est que si le thérapeute n’est pas conscient de ses propres stratégies d’attachement, s’il ne connaît pas ses propres traumas, s’il n’a pas appris à réguler ses états internes, s’il se défend au lieu d’accueillir, alors il ne peut pas offrir un espace d’intégration au patient.

Au lieu de permettre une transformation, le thérapeute entre alors dans une danse invisible avec la stratégie d’attachement du patient. Il renforce parfois malgré lui ce qui devait changer, et ne peut que difficilement proposer autre chose qu’un écho relationnel déjà connu — et souvent figé — pour le patient.

Ce point, je l’ai mis en dernier. Il aurait dû être le premier. Le tout, tout premier.

Conclusion

Voilà ce que je mes 20 ans de formation ( reçue set données), de pratique me font dire aujourd’hui de ce que serait le parcours idéal de formation d’un cliniciens de l’attachement.

Ce n’est ni un plan de carrière, ni une recette de formation. C’est un chemin d’exploration, de maturation, fait d’observation, de traversée personnelle, de complexification des savoirs.

Ce que j’ai appris dans ce travail autour de l’attachement, c’est que se former à l’attachement, c’est long, transformant, en mille-feuille.

Certaines formations, je les ai faites six fois, et à chaque fois j’apprends quelque chose de nouveau. Parce que je ne peux intégrer certains savoirs en ce qui concerne l’attachement que parce que, dans ma propre histoire d’attachement, je suis prête à les intégrer. Avant, ils ne sont pas vraiment accessibles, je ne les entends pas, ou ne peux pas les utiliser.

Se former à l’attachement, devenir un « attachementiste », ce n’est pas seulement acquérir une grille de lecture, connaître les styles d’attachement, les reconnaître. C’est construire une posture clinique fondée sur la réflexivité, la sécurité intérieure, l’observation relationnelle, et le respect du rythme de chacun.

C’est donc un voyage, un long voyage sans fin que je crois que je continuerai, encore, demain.

Et vous ? Quelle est votre vision de la formation en attachement ? Qu’auriez vous besoin d’apprendre et pourquoi ? Dite moi en commentaire.

Texte publié le 7 juin 2025 dans le cadre du projet A-T-L-A-S : un blog clinique pour explorer les liens qui façonnent l’humain.*

— Alexandra Deprez

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